Observatoire pour la justice migrante

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Derrière C-12, l’ombre persistante de C-2: Porter atteinte aux droits des personnes migrantes au nom de la sécurité aux frontières

Date de publication:

21 octobre 2025

Recherche, analyse et rédaction:

Avec la contribution de:

Dominique Peschard – Ligue des droits et libertés

Mise en page:

Introduction

Le 3 juin 2025, le gouvernement fédéral dévoilait le projet de loi C-2, intitulé Strong Borders Act. Derrière ce titre, se cachait en réalité un projet de loi omnibus¹ d’une portée considérable qui prévoyait modifier une dizaine de lois touchant à des domaines aussi variés que l’immigration et l’asile, la criminalité, la sécurité publique, le terrorisme, les drogues, les douanes, les renseignements privés, les transactions financières, les communications et même la surveillance côtière. Cette approche a fait craindre, au sein de la société civile, un virage vers un État de surveillance.  

La contestation ne s’est pas fait attendre. Plus de 300 organisations de la société civile – regroupant juristes, syndicats, groupes de défense des droits humains, associations communautaires et chercheur.euses – se sont rapidement mobilisés pour exiger le retrait immédiat de ce projet de loi. On dénonçait notamment son caractère liberticide et restrictif envers les personnes immigrantes et réfugiées. 

Face à cette opposition massive, le gouvernement libéral a déposé, le 8 octobre 2025, une nouvelle mouture du projet de loi C-2 qu’il a rebaptisé C-12 

Ainsi, au lieu de retirer le projet de loi, le gouvernement a décidé de conserver l’essentiel de l’arsenal sécuritaire et criminalisant de C-2, notamment en matière d’immigration, d’accès à l’asile et de gestion des frontières. Autrement dit, les mesures susceptibles d’affecter directement les Canadiennes et Canadiens (celles liées au partage des renseignements personnels et aux pouvoirs de surveillance) ont été mises de côté² , tandis que les plus dures, celles qui ciblent les personnes im.migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, ont été maintenues.

En effet C-12 prolonge la même logique : celle d’un État qui, au nom de la “sécurité”, hiérarchise les vies à protéger. Par ailleurs, plusieurs recherches et écrits nous informent que les politiques restrictives envers les personnes migrantes ne visent pas seulement à réguler la mobilité, mais à redéfinir la place de l’Autre dans la société d’accueil. Elles instaurent des distances symboliques, légales, pratiques et humaines entre « étrangers » et « nationaux » (Ba et Vermylen, 2017; Calabrese, 2020; Feldman, 2005). Selon cette logique, la protection de certains repose sur l’exclusion des autres.

Dans cet article, nous montrerons comment C-12 s’inscrit dans la continuité d’un projet politique qui met en péril le droit d’asile au Canada. En mobilisant les cadres analytiques de la crimmigration (Stumpf 2006) et de la nécropolitique (Mbembe 2006), nous analyserons comment ce texte contribue à instaurer un régime où les droits de certain·e·s, notamment des personnes immigrantes et réfugiées, sont bafoués, rendant leur existence vulnérable, expulsable ou simplement invisible.

De C-2 à C-12 : un changement de façade mais le fond reste le même

Derrière le prétexte de « mieux protéger les frontières » se maintient une vision où la migration est perçue comme une menace potentielle. Comme son prédécesseur, C-12 propose, dans un même projet de loi, des modifications majeures à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, à la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, à la Loi sur les douanes, à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, à la Loi sur la Garde côtière canadienne, entre autres.

Cette nouvelle mouture du projet de loi permet toujours au gouvernement d’adopter, en bloc, des mesures susceptibles de redéfinir en profondeur le rapport entre l’État et les personnes migrantes et réfugiées.

Atteintes aux personnes immigrantes, réfugiées et au droit d’asile

Comme son prédécesseur, les mesures touchant l’immigration et le droit d’asile figurent parmi les plus préoccupantes. Le projet de loi accorde toujours  au gouvernement un large pouvoir discrétionnaire pour annuler, suspendre ou modifier tout type de demande ou de document d’immigration – qu’il s’agisse de visas, cartes de résident permanent, permis de travail ou d’études – si le gouvernement estime, sans un procès transparent, que la personne représente une menace pour la sécurité ou la santé publique, ou s’il soupçonne un cas de fraude. 

C-12 maintient aussi un cadre de partage et de communication des renseignements personnels des personnes migrantes. En modifiant la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, ce dernier pourra communiquer avec des organismes fédéraux, provinciaux et étrangers tout renseignement personnel concernant l’identité, le statut au Canada ou tout document d’immigration. Le texte précise que ces communications devront s’appuyer sur une entente écrite et que le transfert à des entités étrangères exigera le consentement du ministre d’IRCC, mais rien n’empêche l’utilisation secondaire de ces données à des fins de surveillance, de profilage ou de contrôle administratif. 

Quant aux atteintes au droit d’asile, depuis la fermeture du chemin Roxham³, il est encore possible de présenter une demande d’asile à l’intérieur du pays jusqu’à 14 jours après une entrée dite irrégulière⁴ depuis les États-Unis. Le projet de loi C-12 vise à abolir cette possibilité en rendant irrecevables les demandes déposées au-delà de ce délai, pour les personnes ayant franchi la frontière canado-américaine ailleurs qu’à un point d’entrée officiel. Une telle mesure exposerait de nombreuses personnes en quête de sécurité à demeurer dans l’irrégularité au Canada ou à être renvoyées si elles sont interceptées. Ces changements forceraient également de nombreuses personnes à rester aux États-Unis, un pays qui, à l’heure actuelle, ne garantit pas une protection adéquate aux personnes migrantes.

Par ailleurs, C-12 maintient une mesure déjà prévue dans C-2, selon laquelle une personne ne pourrait plus demander l’asile au Canada si plus d’un an s’est écoulé depuis sa première entrée sur le territoire. Ce délai serait calculé à partir de la toute première arrivée au Canada, même si la personne est revenue plusieurs fois depuis. Il s’appliquerait à toutes les entrées effectuées à partir de juin 2020.

Imaginons, par exemple, un mineur qui a séjourné au Canada en 2022 avec ses parents en tant que touriste. Des années plus tard, devenu adulte, il craint des persécutions dans son pays d’origine. En vertu de cette nouvelle règle, il se verrait refuser l’accès à une demande d’asile au Canada, puisque plus d’un an s’est écoulé depuis sa première entrée, alors même qu’il n’avait aucun contrôle sur sa situation à l’époque. Une telle disposition ne tient clairement pas compte du fait qu’une personne peut ne pas craindre de persécution à son arrivée (comme touriste, étudiante ou travailleuse temporaire), mais devenir vulnérable ultérieurement, par exemple à la suite d’un bouleversement politique ou un conflit dans son pays, ou une persécution en raison de son orientation sexuelle.

Les personnes jugées irrecevables seraient privées d’audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Elles seraient plutôt orientées vers la procédure d’examen des risques avant renvoi (ERAR), un processus qui est beaucoup plus complexe et dont les taux d’approbation sont nettement plus faibles que ceux des audiences ordinaires⁵. En privant ces personnes d’un examen complet, indépendant et oral, C-12 augmente considérablement le risque de renvoi vers des pays où elles risquent la persécution ou des traitements inhumains. Ceci est en contradiction avec le principe de non-refoulement garanti par la Convention de Genève de 1951 et son Protocole de 1967, auxquels le Canada adhère.

Enfin, au-delà de ces mesures, C-12 réaffirme l’attachement du Canada à l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) conclue avec les États-Unis, qui oblige les personnes en quête d’asile à présenter leur demande dans le premier pays « sûr » où elles arrivent. Or, dans le contexte actuel des politiques ouvertement hostiles de Donald Trump et de la montée de pratiques autoritaires aux États-Unis (arrestations arbitraires par l’Agence américaine de l’immigration et des douanesagressions physiques par des agentsexpulsions sans motif, y compris de résidents permanents), il est incohérent de considérer les États-Unis comme un pays sûr. Maintenir et renforcer ce mécanisme revient à exposer délibérément des personnes à la détention, à la violence et à des violations graves de leurs droits fondamentaux.

Une rhétorique sécuritaire qui criminalise les personnes en demande d’asile

Le projet de loi C-12 conserve une rhétorique alarmiste qui présente la migration forcée comme une menace pour la stabilité et la sécurité du pays. En effet, en intégrant des mesures qui restreignent l’accès à l’asile à un projet de loi modifiant également des textes portant sur le crime organisé, le terrorisme et le trafic de drogue, le gouvernement place les personnes demandeuses d’asile dans le même cadre narratif que des menaces criminelles. 

Il contribue à renforcer les préjugés en associant les personnes demandeuses d’asile à une menace plutôt qu’à un besoin de protection. Ce type de rhétorique s’inscrit dans la vague des dérives récentes observées aux États-Unis et au Royaume-Uni. Elle illustre une fois de plus l’écart entre le discours du gouvernement libéral – qui se vante de se distinguer de l’administration américaine par le respect de l’État de droit et de ses engagements internationaux humanitaires – et la réalité de ses pratiques législatives.

Quand la gestion des frontières se confond avec la répression migratoire

Plusieurs recherches ont tenté de définir et de théoriser la question de la sécurisation des frontières, phénomène étroitement lié à la sécurisation des migrations. Ce processus consiste à mettre en œuvre, au nom de la sécurité publique et de la souveraineté, des politiques restrictives qui visent à contrôler et surveiller les entrées au territoire à tous les points frontaliers (aérien, maritime et terrestre), sous prétexte que la migration constituerait une source d’insécurité.  

Au Canada, ce discours sécuritaire des migrations a débuté dès les années 1990 et a été progressivement consolidé par plusieurs gouvernements, qu’ils soient conservateurs ou libéraux. Le passage de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001) à la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada (2012), puis à la Loi accélérant le renvoi des criminels étrangers (2013), illustre bien cette évolution.

Par exemple, la réforme de 2012 a introduit des catégories discriminantes, comme celle des « pays d’origine désignés » (mesure finalement révoquée en 2017), qui permettait de rejeter rapidement certaines demandes d’asile jugées infondées, notamment celles de personnes provenant de pays considérés comme « sûrs », même si elles y faisaient l’objet de persécutions. Cette réforme a également restreint l’accès à des recours (comme l’appel devant la Section d’appel des réfugiés), élargi les motifs de détention et réduit l’accès aux soins de santé pour plusieurs catégories migratoires, dont les demandeurs d’asile. De son côté, la loi de 2013 a fait des raccourcis dangereux entre immigration, espionnage et subversion. Elle a même autorisé l’expulsion de personnes immigrantes totalement innocentes lorsqu’un membre de leur famille était considéré comme un danger pour l’intérêt public du Canada.

La sécurisation des migrations est ainsi devenue un instrument politique mobilisé de manière opportuniste pour gérer ou justifier des événements contextuels tels que les dites « crises migratoires » ou les menaces terroristes. Ce discours sécuritaire sert en fait moins à protéger qu’à gouverner par la peur. 

Comme nous l’avons démontré dans une publication antérieure, le Canada a historiquement présenté les personnes im.migrantes et réfugiées issues des pays du Sud Global comme une menace nationale à plusieurs niveaux : un danger pour la santé publique du pays, une atteinte potentielle aux mœurs et valeurs canadiennes, ainsi qu’un risque terroriste et criminel.  

Ce ciblage n’est pas neutre. Il s’enracine dans des stéréotypes racistes et des héritages coloniaux qui présentent les populations migrantes comme intrinsèquement suspectes ou dangereuses. Ces discours et représentations rendent socialement acceptable la criminalisation des personnes migrantes et le déploiement de mesures coercitives aux frontières et à l’intérieur même du territoire canadien. 

Cela dit, en regroupant dans un même texte législatif des mesures liées à l’immigration, au blanchiment d’argent, au terrorisme et au trafic de drogue, le projet de loi C-12, comme son prédécesseur C-2, s’inscrit dans ce que la chercheuse Juliet Stumpf (2006) appelle la crimmigration : l’entrelacement entre le droit criminel et le droit migratoire. 

Alors qu’historiquement le droit de l’immigration visait surtout à réguler l’entrée et le séjour, et que le droit criminel sanctionnait les infractions criminelles, la distinction entre les deux tend à disparaître. Désormais, des infractions purement administratives, comme un dépôt tardif de documents ou d’une demande d’asile, peuvent être traitées comme des fautes quasi-criminelles. Le recours à des mesures punitives traditionnellement associées au droit criminel, comme la détention ou la déportation, sont un signe de plus de cette dérive crimmigrationiste.

Le projet de loi C-12 incarne une logique de crimmigration à plusieurs niveaux : il rend expulsables, sans audience devant la CISR, des personnes n’ayant commis aucun crime, simplement en raison de délais procéduraux (p. ex. ne pas avoir fait une demande d’asile après un an sur le territoire) ou d’entrées irrégulières. Il emprunte aussi des outils au droit criminel (détention, coopération avec les forces policières, partage des renseignements des personnes immigrantes entre agences) pour traiter de questions migratoires. Comme mentionné plus haut, sur le plan symbolique, il intégre également des mesures visant les demandeurs d’asile dans le même texte législatif que celles contre le crime organisé, le terrorisme ou le trafic de drogue.

La criminalisation des migrations ne relève pas uniquement du droit : elle constitue avant tout un instrument politique. Que les premiers grands projets législatifs du gouvernement soient C-2, puis son successeur C-12, envoie un signal clair à l’électorat : celui d’une « reprise en main » des frontières et de la sécurité, dans un contexte où les migrations sont encore trop perçues comme responsables de la hausse de la criminalité au Canada. Ce projet de loi s’inscrit également dans un contexte géopolitique tendu avec les États-Unis de Donald Trump, dont les exigences irréalistes en matière de lutte contre le trafic de drogues et le contrôle migratoire s’accompagnent de menaces d’imposer des tarifs douaniers susceptibles d’affecter lourdement l’économie canadienne. Ces pressions reflètent, bien entendu, une dérive démocratique et un discours anti-migrants désormais banalisé chez le voisin du Sud. Le Canada semble malheureusement se plier aux exigences d’un dirigeant politique qui met en danger la vie de millions de migrants sur son propre territoire.

La criminalisation des migrations : la face nécropolitique de la gestion étatique de la migration

Refuser la protection humanitaire à des personnes fuyant la violence, la persécution ou des conditions de vie intenables, et les renvoyer vers les États-Unis ou leur pays d’origine où elles risquent la détention arbitraire, les agressions ou la mort, c’est exercer ce qu’Achille Mbembe (2006) appelle la nécropolitique : le pouvoir de décider quelles vies méritent d’être sauvées et lesquelles peuvent être sacrifiées.

Le concept de nécropolitique ne fait pas uniquement allusion à la mise à mort directe des personnes, mais aussi à la création de « mondes de mort ; des espaces ou des situations (juridiques) où des populations entières sont maintenues dans un état de survie précaire. En d’autres mots, la création de personnes biologiquement vivantes, mais socialement et politiquement mortes. La nécropolitique organise délibérément la mort, que ce soit par l’action directe ou par l’abandon calculé.

Appliquée aux politiques migratoires, la nécropolitique se manifeste par la militarisation des frontières, par la criminalisation des migrations et par la création de zones ou des conditions juridiques d’exception où les droits humains ne sont plus respectés. Les frontières deviennent ainsi des lieux où la mort physique (décès en mer, dans le désert, en détention) et la mort sociale (privation de droits, absence de statut légal, déportation) ne sont pas des dommages collatéraux, mais des outils de dissuasion contre la mobilité humaine et qui maintiennent certaines populations dans un état de vulnérabilité permanent.

Nous croyons que le projet de loi C-12 s’inscrit dangereusement dans cette dynamique. En restreignant l’accès à l’asile (délai d’un an à partir de la première entrée sur le territoire, impossibilité de demander l’asile après 14 jours pour les entrées irrégulières depuis les États-Unis, etc.), il prive massivement des personnes de toute évaluation de leurs besoins de protection. Ces exclusions de procédures, qui n’ont rien à voir avec l’évaluation du risque réel que suppose la personne à la sécurité nationale, condamnent nombre de demandeurs d’asile à un renvoi vers leur pays d’origine, parfois en plein conflit ou sous régime autoritaire, ou vers les États-Unis, où les pratiques violentes de l’ICE sont largement documentées. Dans les deux cas, l’État canadien assume le pouvoir de « laisser mourir », soit par exposition directe à la persécution, soit par l’abandon dans un vide juridique et social.

Même pour ceux et celles qui restent sur le territoire, l’impossibilité de régulariser leur statut en demandant l’asile les prive d’accès aux soins, à l’éducation, au travail légal et aux filets sociaux, les maintenant dans un état de survie précaire. Ce sont, pour reprendre les termes de Mbembe, des « morts en vie » : biologiquement présents, mais politiquement et socialement effacés. 

En ce sens, le projet de loi ne se limite pas à sécuriser le pays et à réorganiser l’immigration; il institutionnalise un régime où la vie de certains est jugée indigne d’être protégée, et où leur mort (physique ou sociale) devient une conséquence assumée de la politique publique.

Conclusion

Le projet de loi C-12, successeur direct de C-2, ne marque aucune rupture.  Sous couvert d’une réforme « retravaillée » et « mise à jour », il reconduit la même logique de contrôle et de suspicion à l’égard des personnes im.migrantes et réfugiées. Le gouvernement a simplement retiré ce qui inquiétait l’électorat canadien (l’accès sans mandat aux données personnelles, la surveillance électronique, les pouvoirs élargis de Postes Canada) pour présenter un texte plus acceptable politiquement. Mais derrière ce remaniement  de façade, le cœur demeure identique : la restriction du droit d’asile, la criminalisation des migrations et la hiérarchisation des vies à protéger.

Ce projet de loi implique un changement moral profond pour la société canadienne : il rend légitime l’idée que certaines vies valent moins que d’autres, que la vulnérabilité peut être punie, et que la sécurité du pays justifie l’exclusion de ceux qui cherchent refuge à ses frontières. Adopter C-12, c’est accepter la continuité d’un régime politique où la peur remplace la solidarité, et où la mort – physique ou sociale – des plus vulnérables devient un effet collatéral assumé des politiques publiques.

Image de : Alessandro Venturi

1 – “Projet de loi qui vise à modifier, à abroger ou à édicter plusieurs lois sans qu’il n’y ait de fil directeur ou s’il porte sur des sujets qui n’ont rien en commun les uns avec les autres” (Chambre des communes du Canada).

2 – Le projet de loi C-2 prévoyait un élargissement sans précédent de l’accès aux renseignements personnels et à leur partage avec des entités étrangères (notamment aux autorités étasuniennes), visant non seulement les personnes migrantes mais aussi les citoyens canadiens. Le projet de loi permettait à Postes Canada d’ouvrir et de lire des lettres, autorisait l’accès sans mandat aux données détenues par les fournisseurs de services numériques, et facilitait le partage d’informations personnelles entre agences canadiennes et étrangères. Dans C-12, ces mesures ont été retirées ou reportées, à la suite de la forte mobilisation citoyenne. Mais leur suppression n’est ni définitive ni neutre : le gouvernement a clairement indiqué son intention de les faire revenir dans un texte séparé. Autrement dit, la logique de surveillance reste en suspens, prête à être réactivée une fois l’attention publique retombée.à

3 – Le chemin Roxham servait de voie non officielle permettant à de nombreuses personnes d’entrer au Canada pour déposer une demande d’asile. Il a été fermé en mars 2023.

4 – Dite irrégulière » : on parle du chemin emprunté, pas d’un acte « illégal ». La Convention de 1951 (art. 31) prévoit d’ailleurs la non-pénalisation des personnes réfugiées pour entrée non autorisée lorsqu’elles se présentent sans délai aux autorités. Par ailleurs, cette qualification s’appuie sur l’Entente sur les tiers pays sûrs (Canada–États-Unis), qui présume les États-Unis « sûrs » pour l’asile. Une présomption contestée par de nombreux organismes et juristes au regard des restrictions et pratiques qui limitent l’accès effectif à la protection.

5 – Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies, en 2019, l’ERAR affichait un taux d’acceptation très bas (moins de 7 %) lorsqu’il était utilisé comme mesure de dernier recours, c’est-à-dire à la suite de décisions négatives de la CISR et de la Cour fédérale. En revanche, lorsqu’il était mobilisé comme mécanisme de première instance, le taux d’acceptation de l’ERAR s’élevait à environ 30 % des demandes.

Références :

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