Personnes im.migrantes derrière les barreaux : les failles procédurales et leur impact sur le respect des droits humains
BLOG Personnes im.migrantes derrière les barreaux : les failles procédurales et leur impact sur le respect des droits humains Personnes im.migrantes derrière les barreaux : les failles procédurales et leur impact sur le respect des droits humains Date de publication: 18 Novembre 2024 Autrice: Meritxell Abellan Almenara, Aurélie Lanctôt et Louis-Philippe Jannard Avec la contribution de : Jenny Jeanes Révision linguistique : Monique Moisan Mise en page : Donia Zahir Introduction On compare souvent la situation des personnes im.migrantes détenues pour des fins administratives à celle des personnes détenues en lien avec des infractions pénales. Il existe toutefois une différence cruciale entre les deux. Les personnes incarcérées à la suite d’une accusation criminelle ont été privées de leur liberté suivant une procédure pénale qui respecte, en principe, les droits et garanties protégés par les articles 10 et 11 de la Charte canadienne des droits et des libertés. Les personnes im.migrantes, en revanche, peuvent être détenues par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à des fins uniquement administratives. Si entrer ou demeurer sur le territoire du Canada de façon irrégulière peut constituer une infraction, il ne s’agit pas d’une infraction criminelle. Il s’agit d’une infraction administrative, au même titre, par exemple, qu’une infraction au Code de la sécurité routière. Le fait que l’on puisse détenir des personnes qui entrent ou demeurent sur le territoire du Canada de façon irrégulière représente une exception en matière administrative, d’autant plus que les personnes qui sont détenues pour les fins de l’immigration ne le sont pas à des fins punitives, mais plutôt à des fins préventives et administratives (par exemple, parce qu’elles ne peuvent pas prouver leur identité ou parce que l’on estime qu’elles sont à risque de fuite). De plus, selon les principes mis de l’avant par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, la détention liée à l’immigration doit n’être qu’une mesure de dernier recours ⁵, ce que reconnaissent par ailleurs les directives administratives canadiennes. En outre, en vertu du droit international, une personne qui demande l’asile ne doit pas être soumise à des sanctions pénales – ou, en d’autres termes, punie – parce qu’elle est entrée dans un pays ou y séjourne sans autorisation. L’emprisonnement demeure l’une des mesures les plus draconiennes à laquelle un État peut soumettre une personne. Malgré cela, au Canada, les personnes non citoyennes sont néanmoins privées de liberté suivant une procédure opaque, marquée par l’absence de garanties procédurales qui assurent normalement un procès juste. Regardons tout cela de plus près. La procédure de détention Lorsqu’une personne non citoyenne souhaite traverser la frontière pour accéder au territoire canadien, elle doit se présenter devant un.e employé.e de l’ASFC, qui contrôlera son identité et décidera si cette personne non citoyenne ou ne possédant pas la résidence permanente a effectivement le droit d’entrer. L’agent.e peut à ce moment décider d’ordonner la mise en détention de la personne, s’il ou elle considère que sa situation correspond à l’un des motifs de détention prévus par la loi. Il est important de noter que la détention peut aussi être ordonnée ultérieurement, par exemple lorsqu’une personne qui est entrée sans autorisation est retrouvée par l’ASFC dans le territoire, ou lorsque quelqu’un se trouvant sur le territoire reçoit une date d’expulsion, et que l’ASFC estime qu’elle risque de ne pas se présenter pour son renvoi. Si la détention est ordonnée, le ou la supérieur.e de l’agent.e de l’ASFC qui a émis l’ordre de mise en détention doit valider la décision. L’ASFC doit ensuite informer immédiatement la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié du Canada (CISR) de la mise en détention de la personne non citoyenne. La CISR procédera alors, dans un délai de 48 heures, à une première audience de contrôle des motifs de détention de la personne. L’audience de contrôle peut être tenue en personne, par vidéoconférence ou même par téléphone. Y participeront un représentant de l’ASFC (qui explique pourquoi la personne non citoyenne a été mise en détention et présente, le cas échéant, les éléments de preuve qui le justifient), le commissaire de la Section de l’immigration de la CISR (qui préside l’audience et décide si la détention est maintenue ou si la personne doit être remise en liberté) et la personne non citoyenne détenue (avec son ou sa représentant.e ¹, le cas échéant). D’autres personnes, comme des témoins, des interprètes et des membres d’organismes communautaires, peuvent aussi être présentes à l’audience. Une fois que le commissaire de la CISR a entendu les arguments du représentant de l’ASFC, ceux de la personne non citoyenne (ou de son avocat.e) et le récit des témoins (s’il y en a), le commissaire décide si la détention sera maintenue. Lorsqu’elle l’est, une deuxième audience de contrôle des motifs de détention se tiendra sept jours plus tard. Cette deuxième audience se déroule de la même manière que la première. Si la détention est encore maintenue, des audiences de contrôle périodiques se tiendront tous les 30 jours, et ce, jusqu’à ce que la personne non citoyenne soit libérée ou renvoyée du Canada. Le grand pouvoir discrétionnaire de l’ASFC Au Canada, le droit de l’immigration est généralement décrit comme un champ du droit où sont délégués de vastes pouvoirs discrétionnaires aux administrations. Le pouvoir de détention conféré aux agents de l’ASFC fait partie de ces pouvoirs de nature discrétionnaire. Cela signifie que l’agent.e peut, sur la base des informations factuelles dont il ou elle dispose, décider de détenir ou non une personne qui se présente devant lui ou elle, ou alors opter pour des solutions de rechange à la détention. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) prévoient différents critères que l’agent.e doit prendre en considération, mais aucun de ceux-ci n’est déterminant en lui-même. Les agent.e.s de l’ASFC reconnaissent l’importante discrétion dont ils jouissent en matière de détention. Les motifs de détention sont multiples, le contrôle de l’identité et le risque de fuite étant les
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